Christin : Orwell

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Qui d’autre que l’auteur des cultissimes Phalanges de l’ordre noir1 pouvait s’attaquer à la biographie de George Orwell ? Les écrits et la vie mouvementée de George Orwell s’inscrivent encore dans les soubresauts de la société contemporaine. Le crépuscule du stalinisme n’a pas donné une ride à son œuvre. « Big Brother » s’infiltre de plus en plus dans nos logis, les pauvres sont toujours plus pauvres, les trahisons occidentales et russes au Rojava kurde résonnent avec la Catalogne de 1937 ou d’aujourd’hui. Une vraie recherche biographique Visionnaire, complexé, torturé, Eric Blair (alias Orwell) a marqué plusieurs générations de créateurEs et de lecteurEs. Pierre Christin et le dessinateur Sébastien Verdier retracent sa vie dans un grand roman graphique. Le scénariste s’est appuyé sur les travaux de l’essayiste étatsunien Christopher Hitchens2. En s’aidant de plusieurs astuces narratives et/ou graphiques, il a su découper la vie de l’auteur de telle sorte que chaque époque de la vie d’Eric Blair éclaire l’autre (« Orwell avant Orwell », « Blair invente Orwell », « Orwell orwellien » et « Après Orwell »). Un objet-livre atypique Le portrait dressé, très éclectique et personnel, rend palpable un personnage certes bourré de contradictions mais surtout de certitudes non négociables. La forme éditoriale de la BD Orwell en fait un objet-livre où les auteurs laissent parfois la parole à l’écrivain en le citant à travers ses propres tapuscrits3 ou en cédant le pinceau à d’autres talents du neuvième art : André Juillard, Manu Larcenet, Blutch, Olivier Balez, Juanjo Guarido (inoubliable portait de Napoléon, le cochon) et bien sûr Enki Bilal. Le trait classique et fin de Sébastien Verdier, son dessin noir et blanc réaliste, relevé parfois de touches de couleur et de photographies d’époque, donnent du relief à des cases très fouillées. Le dessinateur ne néglige ni les décors ni les atmosphères qui renforcent ainsi le travail biographique de Pierre Christin. Un regret orwellien Pierre Christin ne peut s’empêcher de remarquer dans le chapitre « Après Orwell » qu’« une certaine extrême gauche ou extrême droite tente d’annexer l’écrivain ». Rappelons donc, en toute humilité, au grand scénariste que si, toute sa vie, Orwell est resté conservateur dans certains domaines (mariage, incompréhension de l’homosexualité), il est resté jusqu’à son dernier souffle anti-impérialiste et socialiste révolutionnaire. Sylvain Chardonédition : juin 1019