« Tous les jours pareils. J'arrive au boulot et ça me tombe dessus, comme une vague de désespoir, comme un suicide, comme une petite mort, comme la brûlure de la balle sur la tempe. Un travail trop connu, une salle de contrôle écrasée sous les néons - et des collègues que, certains jours, on n'a pas envie de
retrouver. On fait avec, mais on ne s'habitue pas. On en arrive même à souhaiter que la boîte ferme. Oui, qu'elle délocalise, qu'elle restructure, qu'elle augmente sa productivité, qu'elle baisse ses coûts fixes. Arrêter, quoi. Qu'il n'y ait plus ce travail, qu'on soit libres. Libres, mais avec d'autres soucis.
On a remplacé l'équipe d'après-midi, bienheureuse de quitter l'atelier. C'est notre tour maintenant, pour huit heures. On est installés dans le réfectoire, autour des tasses de café. Les cuillères tournent mollement, on a tous le même état d'esprit et aussi, déjà, la fatigue devant cette nuit qui va être longue. »
Ouvrier dans l'agglomération rouennaise, Jean Pierre Levaray ne fait pas secret de son travail d'auteur cherchant à s'évader du monde qu'il décrit : celui de l'exploitation quotidienne du travail posté dans une usine de produits chimiques. Cette réalité qui forge la lutte des classes et la reproduit sans cesse.
Putain d'usine constitue une réédition des écrits d'usine de l'auteur, revue et augmentée de la chronique Après la catastrophe et de l'épilogue industriel Plan social.
221 pages
Edition : 2005