Voyager avec Karl Marx est une entreprise paradoxale. Non pas que l’auteur du Capital n’ait pas voyagé. Dès 1843 – il a 25 ans –, il quitte sa Prusse natale pour parcourir l’Europe et, entre Paris, Londres et Bruxelles, tenter d’y attiser la flamme révolutionnaire. En 1849, expulsé de Paris et interdit de séjour dans son pays, il trouve refuge à Londres. Désormais apatride, Marx résidera jusqu’à la fin de sa vie en Angleterre. Les voyages qu’il effectue pendant les trente quatre ans qu’il lui reste à vivre
obéissent à des impératifs financiers, familiaux ou médicaux – en Hollande, il va tenter d’obtenir (très difficilement) un peu d’argent de son oncle banquier, à Paris, il vient voir
ses filles, et ses problèmes de santé le conduisent régulièrement à Karlsbad pour des
cures, sur la Côte d’Azur, et jusqu’en Algérie. Mais Marx n’a rien d’un touriste. Les paysages retiennent à peine son attention, les individus qu’il croise à peine davantage.
Ce qui l’intéresse bien davantage, ce sont les hommes tels qu’il les découvre à travers
les livres, les journaux et les rapports des économistes et des historiens. Pour satisfaire
cette passion de l’étude, Marx apprendra plusieurs langues et passera pendant des années des journées entières à la bibliothèque du British Museum. Ainsi, sur des bases uniquement livresques, le voit-on décrire avec un luxe de détails les dures conditions de travail des enfants et ouvriers anglais ou des paysans valaques de Moldavie, ou raconter comme s’il y avait assisté un épisode crucial de la guerre de Sécession. Limité dans sa vie concrète par de multiples difficultés matérielles, Marx aura en fait consacré sa vie à un voyage grandiose à travers l’histoire universelle et à la réalisation de sa phrase fameuse : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe, c’est de le transformer. »
édition : novembre 2006
290 pages
Karl Marx : Textes choisis et présentés par Jean-Jacques Marie
Prix
24,00 €