Persepolis (les 4 tomes en 1 volume)

Prix
39,00 €
Marjane Satrapi est d’origine iranienne et, dans cette série de quatre album elle a entrepris de raconter sa jeunesse en Iran. Mais cette autobiographie est aussi un prétexte à illustrer l’histoire contemporaine de son pays. Le premier volume commence avec le régime finissant du Shah. L’auteur nous raconte comment le Shah a été installé au pouvoir par les américains qui voulaient disposer du pétrole iranien à leur gré, puis comment le peuple a voulu se libérer de cinquante ans de tyrannie, ouvrant la porte au régime islamiste. Et c’est aussi l’histoire d’une petite fille qui s’interroge sur le monde des adultes et qui essaie d’en comprendre les réalités à travers les mensonges qu’on lui raconte. Et elle est vraiment attachante cette petite Marji qui veut devenir prophète, qui ne comprend pas pourquoi la bonne ne mange pas à la table familiale, pourquoi on lui raconte que son oncle est parti en voyage…. Dans ce deuxième volume, nous sommes à Téhéran en 1980. Les islamistes ont chassé le Shah d’Iran et ont pris le pouvoir, mais les iraniens vont vite comprendre qu’ils n’ont pas gagné au change. Les universités ferment, le port du voile devient obligatoire pour les femmes et le port de la cravate interdit pour les hommes ( !). Les parents de Marjane sont modernes, ils tentent de se rebeller en assistant à des manifestations contre le régime. Mais le régime islamiste réprime violemment toute contestation. Bientôt la guerre est déclarée avec l’Irak et la situation devient très difficile : des réfugiés affluent de tout le pays, les magasins se vident, le pays est fermé, le gouvernement incite les jeunes hommes à s’engager pour gagner la paradis. Les parents de Marjane résistent à leur manière en continuant à boire de l’alcool et à faire la fête avec leurs amis, ce qui leur vaut parfois des ennuis. Quant à Marji, tous ces bouleversements ne l’empêchent pas de faire sa crise d’adolescence : elle veut porter des jeans et écouter Michael Jackson, ce qui la conduit à se révolter d’abord contre l’autorité de ses parents, ensuite contre celle de sa directrice d’école et à être renvoyée. Ses parents comprennent que leur fille se met en danger et décident de l’envoyer poursuivre ses études en Autriche. Ce que j’aime chez Marjane Satrapi, c’est que le tragique côtoie toujours le burlesque, ce qui lui permet de garder une distance par rapport à tous les évènements historiques qu’elles relatent et d’éviter le sensationnel. Et elle parvient à faire passer beaucoup d’émotions différentes dans ses dessins en noir et blanc. 1984. Alors que la guerre contre l’Irak fait toujours rage dans son pays, nous retrouvons Marjane en Autriche. Elle fréquente le lycée français de Vienne et loge dans une pension de jeunes filles. Ne parlant pas un mot d’allemand, elle a beaucoup de mal à s’intégrer à sa nouvelle vie. Son insolence va très vite la faire renvoyer de son pensionnat. Mais elle se finit par se faire quelques amis, un peu marginaux comme elle, qui vont l’initier à la philosophie anarchiste, à la drogue et à la libération sexuelle. Marjane va bientôt se trouver écartelée entre deux cultures complètement différentes, allant jusqu’à renier sa nationalité iranienne. Il n’est pas facile d’être iranien en Europe dans les années quatre-vingt. Marjane va faire l’expérience de la solitude et du manque affectif. Cet album est beaucoup plus émouvant que les précédents, car écrit dans une tonalité beaucoup plus réaliste. Marjane Satrapi a abandonné son ton ironique et gagné en maturité. En 1988, après quatre ans d’absence, Marjane est de retour à Téhéran. La guerre avec l’Irak est désormais terminée, mais la ville est en ruine et le gouvernement islamiste toujours aussi répressif. Marjane doit à nouveau s’habituer à porter le foulard. Elle découvre qu’il est aussi difficile d’être traitée en occidentale chez elle, que d’iranienne en Europe. Après avoir traversé une sévère dépression, elle décide de suivre le conseil de sa grand-mère : être elle-même. Bientôt elle tombe amoureuse et entreprend des études artistiques. On retrouve dans cet album la critique virulente de la société iranienne islamiste où la liberté d’expression n’existe pas, où tout est interdit : maquillage, musique, fêtes. Si Marjane Satrapi a fait le choix de se marier jeune, c’est parce que la vie est impossible pour un jeune couple non marié en Iran. Mais Marjane n’a rien perdu de son esprit rebelle et s’invente, avec ses amis artistes, un espace de liberté et d’identité, dans la sphère strictement privée. Mais c’est l’absence de liberté qui va la pousser à quitter définitivement l’Iran en 1994. Pour conclure, j’ai beaucoup aimé cette série, qui m’a redonné le goût de lire des BD. Je la conseille à tout le monde pour son aspect historique, politique mais aussi pour la belle figure de cette femme rebelle qui refuse de vivre dans la soumission. journal-d-une-lectrice.over-blog.net édition : mai 2007