Voici un morceau d'un des chapitres du livre :
L’existence des classes sociales comme cause à défendre
Je voudrais revenir quelques instants sur la question
des classes sociales. Un ouvrage collectif publié
en 2004 s’appelle : Le Retour des classes sociales 1.
C’est donc bien qu’elles avaient disparu, sinon de
la réalité, au moins de l’espace de représentation,
ordinaire, politique mais aussi sociologique du
monde social. Rétrospectivement, le parti qui était
le nôtre, celui de mettre les classes sociales au coeur
de la problématique sociologique, peut être interprété
comme une anticipation de cette disparition
et comme une intuition de la fragilité de ce mode
de manifestation des différences et des inégalités. La
division de la société en classes sociales, le fait que
ce principe de classification et ce facteur d’inégalités
l’emportaient sur les autres, se présentait aussi pour
nous comme une cause, la cause des classes sociales,
dont il fallait assurer la défense contre ceux qui en
niaient l’importance ou en prédisaient la fin comme
pour mieux les effacer de la perception collective,
les rendre invisibles (cf. dans le Dictionnaire : « Il
est frappant de voir la société s’orienter vers une
structure sans classe », phrase lapidaire tirée d’un
ouvrage de M. Poniatowski).
Dans les années 1970, le sentiment de classe
(plutôt que la « conscience de classe » car cette
expérience du monde n’était pas nécessairement
associée immédiatement à l’idée de lutte) constituait
une façon ordinaire, banale, de considérer la
vie sociale. En témoignent, notamment, des films
(par exemple ceux de Claude Sautet) et des romans
(par exemple ceux de Jean-Patrick Manchette), les
bd (par exemple celles dont Pierre Christin était le
scénariste) qui connurent une large audience dans
ces années-là et qui mettent en scène des relations
entre personnes (de mépris, de distance, d’amour,
de rejet, etc.) médiatisées par leur appartenance et
aussi, ou surtout, par leur origine de classe, comme
si la classe sociale constituait le marqueur principal
permettant aux personnes d’identifier les autres
et de se doter d’une identité. La classe se voyait,
se sentait, dans les manières, le corps, la façon de
parler, les goûts et les dégoûts. L’accent mis sur la
classe était donc indissociablement politique et psychologique,
de l’ordre de la statistique et de l’ordre
du « vécu », du plus subjectif et du plus objectif. ....
190 pages
édition : septembre 2008