Jamais au cours des siècles, tant de moyens n'ont été disposés en faveur d'une émancipation véritable des individus et des peuples ; jamais ils n'ont été à ce point ignorés et méprisés par un aussi scandaleux parti pris de passivité et de résignation. Jamais nous n'avons autant végété au-dessous de nos capacités de vivre. Jamais, pour tout dire, la servitude ne s'est montrée si volontaire depuis que l'affranchissement s'est mis à portée de tous.
Pourtant, il existe au sein de la confusion et du désarroi croissants une force de vie, présente en chacun, capable de combattre ce qui l'opprime et la dégrade.
Un mode de production fondé sur la gratuité des énergies est en passe de succéder à une économie qui, depuis des millénaires, exploite à outrance l'homme et la nature. Il apporterait un soutien précieux à la lutte contre la barbarie, si son projet de restaurer le vivant n'obéissait à la nécessité de rendre au profit un dynamisme qu'épuisent le capitalisme mondial et son accumulation financière improductive.
La seule façon de ne pas s'atrophier dans une société qui débonde en destructions absurdes la rage de ne pas vivre, c'est de construire les situations où créer son bonheur quotidien enseigne à créer une société toujours plus humaine.
En renouant avec la tradition du Manifeste, Raoul Vaneigem dégage de la somme des idées exposées du Traité de savoir-vivre (Gallimard, 1967) à Nous qui désirons sans fin (le cherche midi éditeur, 1996) les éléments d'une prise de conscience capable d'opposer au réflexe de mort que propage la civilisation marchande le projet d'une vie souveraine et la prééminence du sens humain.
Gageons qu'un tel livre fera dévier plus d'une existence de son cours.
103 pages
Edition : 1999