De la pauvreté en esprit.</p>
Georg Lukács a écrit ce texte peu de temps après le suicide de son amie Irma Seidler, commis le 18 mai 1911. « C’est au lendemain de ce drame qu’est parue mon étude De la pauvreté de l’âme, j’y décris sa mort, et j’y exprime mes sentiments de culpabilité. » [1] Il en est fait mention dans une lettre de Georg Lukács à son ami Leo Popper du 7 août 1911. [2] La première parution de ce texte a eu lieu dans les Neue Blätter, 5/6 [1912] pp. 67-92.</p>
La situation est directement inspirée du drame. La narratrice est la sœur d’une jeune femme qui s’est suicidée, et qui raconte sa dernière entrevue avec le meilleur, le seul ami de cette femme, avant que lui-même ne se tire une balle.</p>
La narratrice se prénomme Martha. C’est la seule des trois personnages dont il est question dans cette nouvelle dont on donne le prénom. Comme il est peu vraisemblable que celui-ci ait été attribué au hasard et que dans le corps du texte, il est question de l’épisode biblique de Marthe et Marie (Lc 10, 38-42), on peut présumer que la sœur de Martha se prénomme Marie, prénom qui est précisément l’anagramme d’Irma, l’amie de Lukács qui en est le prototype.</p>
Le personnage masculin du texte exhale toute sa culpabilité de ne pas avoir su voir la détresse de son amie, de ne pas l’avoir secourue, de l’avoir en quelque sorte sacrifiée à son œuvre.</p>
À l’inverse de son personnage, Lukács ne se suicidera pas. Mais ce texte est la dernière œuvre de fiction qu’il produira, après la légende du roi Midas (1908) [3]. Autant dire qu’il ne sera jamais un Thomas Mann et se cantonnera dans la critique littéraire et l’essai, mettant ainsi fin, si ce n’est à sa personne même, tout au moins à sa carrière d’écrivain</p>
[1] Lukács, Georg, Pensée vécue, mémoires parlés, 1986, L’Arche, Paris, p.47.</p>
[2] Lukács, Georges, Correspondance de jeunesse, 1918-1917, 1981, François Maspero, Paris, p. 177.</p>
[3] In Europe, n°600, avril 1979, pp. 105-113, reproduit également dans le présent volume.</p>
édition : septembre 2015