Un livre qui, remettant en perspective l’histoire de la dette depuis 5 000 ans, renverse magistralement les théories admises. Il démontre que le système de crédit, apparu dès les premières sociétés agraires, précède de loin l’invention des pièces de monnaie. Quant au troc, il n’a toujours été qu’un pis-aller et ne s’est réellement développé que dans des situations particulières ou de crise. La dette a donc toujours structuré nos économies, nos rapports sociaux et jusqu’à nos représentations du monde.</p>
David Graeber montre que le vocabulaire des écrits juridiques et religieux de l’Antiquité (des mots comme « culpabilité », « pardon » ou « rédemption ») est issu en grande partie des affrontements antiques sur la dette. Or il fonde jusqu’à nos conceptions les plus fondamentales du bien et du mal, jusqu’à l’idée que nous nous faisons de la liberté. Sans en avoir conscience, nous livrons toujours ces combats…</p>
Selon l’auteur, l’endettement est une construction sociale fondatrice du pouvoir. Si autrefois les débiteurs insolvables ont nourri l’esclavage, aujourd’hui les emprunteurs pauvres – qu’il s’agisse de particuliers des pays riches ou d’États du tiers-monde – sont enchaînés aux systèmes de crédit. « L'histoire montre, explique Graeber, que le meilleur moyen de justifier des relations fondées sur la violence, de les faire passer pour morales, est de les recadrer en termes de dettes – cela crée aussitôt l’illusion que c’est la victime qui commet un méfait. » </br>Trop d’économistes actuels perpétuent cette vieille illusion d’optique, selon laquelle l’opprobre est forcément à jeter sur les débiteurs, jamais sur les créanciers.</p>
Ils oublient aussi une leçon déjà connue de la civilisation mésopotamienne: si l’on veut éviter l’explosion sociale, il faut savoir « effacer les tablettes »… </p>
édition poche : avril 2016