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16,00 €
Avec “Quoi de plus normal qu’infliger la vie ?”, Oriane Lassus interroge avec une intelligence acide et sensible la question de la nulliparité.
Et si la réponse n’était pas si évidente que ça ? Et si on pouvait ne pas trouver ça “normal”, justement, de procréer ?
À travers le regard et l’environnement d’une protagoniste anonyme, c’est le jeu d’influences imposé par une société normative qui est questionné, et la difficulté pour les femmes de faire un choix intime : “Tu changeras d’avis, tu verras.” ou le fatal “Tu le regretteras quand tu mourras seul·e et abandonné·e de tous”. D’où vient cette évidence supposée ? Comment penser en dehors de cette évidence ? “Quoi de plus normal qu’infliger la vie ?” s’intéresse aux normes familiales, sociétales, affectives qui régentent aujourd’hui la vie de tout adulte un tant soit peu poreux aux jugements de son prochain.
Avec un humour sans rire, construit sur la forme du gag mais aboutissant à quelque chose de plus amer, Oriane Lassus est à la frontière entre le politique et le personnel (comme le slogan féministe le dit si bien : “le privé est politique”). Le livre, construit autour d’une trame réaliste - des scènes intimes ou publiques vécues par une jeune femme revendiquant sa volonté de ne pas avoir d’enfants - est ponctué de digressions burlesques confinant à la monstruosité.
On peut sentir poindre la frénésie joyeuse de Brétécher, le grotesque dépeint dans l’œuvre de Reiser, lus durant son enfance, ou encore l’engagement total de Gébé, pour ce qui est de l’héritage des années 70. Fouillant les entrailles de son temps avec un trait nerveux et dynamique, en perpétuelle recherche, l’auteure déforme les corps et distord les cases. On pense également au travail de Placid, de Baladi ou encore de Caroline Sury. Ceci dit, il est bien difficile de réduire le travail d’Oriane Lassus à ces rapprochements tant son propos, ses dialogues, son trait apparaissent singuliers, réussissant à représenter colère et violence dans une articulation subtile à une sensibilité et un intérêt tournés vers l’Autre.édition : mars 2016