L'armée française distribue des portions sans porc à ses soldats musulmans. Un couple de lesbiennes demande et obtient, auprès d'un tribunal français, l'autorité parentale conjointe sur leurs filles. Des prostituées indiennes manifestent à Mumbai, brandissant des pancartes demandant: « Pourquoi cette discrimination ?» Autant d'actes, institutionnels ou subtils, dont l'enjeu est la reconnaissance de l'autre, donnée, octroyée, arrachée, refusée.
La reconnaissance est aujourd'hui un concept central du débat politique. Mais dans quelle mesure celle-ci peut-elle s'intégrer à une réflexion normative sur la justice sociale ? C'est à cette question que répond la philosophe américaine Nancy Fraser, qui établit une distinction entre ce qu'elle appelle une politique de reconnaissance et une politique de redistribution. La première insiste sur l'égal respect dû à tous les membres d'une société, la seconde sur une redistribution équitable des biens et des ressources. Pour l'auteure, les conflits entre ces deux orientations sont politiquement paralysants et théoriquement insatisfaisants.
En affirmant qu'une démocratie radicale consiste à reconnaître le caractère multiculturel et sexué des sociétés modernes sans figer les identités des différents groupes ni renoncer à l'engagement historique de la gauche en faveur de l'égalité économique et sociale, elle vise à la réconciliation de la gauche culturelle et de la gauche sociale. Pour cette raison, cet ouvrage de philosophie politique est, à bien des égards, un livre politique.
179 pages
Edition : 2005