Bensaïd : Fragments mécréants, sur les mythes identitaires et la république imaginaire

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16,00 €

« La multiplication d’incidents racistes (antisémites ou arabophobes), appels, pétitions, dessine une spirale mortifère. En quête de frontières introuvables, l’Union européenne invoque ses racines chrétiennes. Désintégration sociale et désespérance politique alimentent le repli sur des identités mythiques, exclusives et vindicatives, religieuses, ethniques, ou communautaires.</br>
Affolé par les "invasions barbares" d’une société en miettes, le pouvoir politique prétend faire d’une République imaginaire, vidée de ses forces fondatrices, une ligne Maginot illusoire. Les pouvoirs religieux cherchent à réinvestir l’espace public en réactivant les "valeurs" les plus traditionnelles.</br>
[…] L’Être éternel, la quête des origines, tendent à prendre le pas sur les incertitudes du devenir et l’ouverture des possibles. Les résistances à l’universalité marchande, aux nouvelles dominations impériales, à l’uniformisation culturelle, les résistances hésitent entre de nouvelles formes de solidarité et un déchaînement de la guerre des dieux.
[…] Quelles pourraient être les sources aujourd’hui d’une "laïcité militante" (qui ne soit pas l’alibi de la Raison d’État) et d’un athéisme athée (ou révolutionnaire) ?</br>
[…] Il ne s’agit pas d’une thèse académique, mais bien de "fragments mécréants" (inspirés de faits divers, de controverses, de luttes, de textes et de livres) pour une mosaïque future. »</p>

Pourquoi republier ce livre, douze après sa première parution ? Parce qu’il est l’un des meilleurs de Daniel Bensaïd, allègre, tranchant, ne négligeant rien de ce qui se passait alors et qui change tout, très vite, changements difficiles à mesurer mais tous faits, si l’on n’y prend pas garde, pour éloigner la pensée de situations inédites, imprévues, fatales. Il s’agit à chaque page de ce livre que la pensée ne soit pas dessaisie, et qu’elle continue de documenter et constituer l’action qu’en militant autant qu’en intellectuel Bensaïd vise et poursuit (même si c’est par un intellectuel bien plus que par un militant que ce livre a été écrit, et bien écrit – où il s’adonne au libre plaisir de la littérature, qu’il aimait).</p>

Surtout, parce que ce livre est de la nécessité la plus grande aujourd’hui. Montre-t-on, à gauche de la gauche, dans son ancien parti même, des pudeurs regrettables, rechignant à nommer ce qui se passe et à dire comment y réagir ? Se divise-t-on même sur l’analyse qu’il y a lieu d’en faire (partageant les torts, oui, mais les tenant pour presque égaux) ? Veut-on qu’on se prive du droit, chèrement acquis, de rire des dieux, de les blasphémer, par égard pour ceux qui croient ? Lui, pas, qui tranche, qui anticipe ; qui anticipe si bien sur ce qui est depuis survenu (les attentas), et qui s’impose partout, que la position qu’il prend par avance vaut pour la position qu’il est pressant de soutenir aujourd’hui. Celle de la mécréance – auquel il en appelle dès le titre –, d’une mécréance de principe, celle de l’athéisme.</br>

Position qu’il soutient sans ambages ni inutiles précautions oratoires : contre la « quête pathologique des origines », et « une revanche de la filiation sur la citoyenneté », une « une relance et un approfondissement de la mécréance, un corps à corps profane avec nos fétiches cachés, une critique implacable de la tentation de croire ».</br>

« Si un étudiant catholique créationniste refuse de souiller ses oreilles par un cours blasphématoire sur Darwin, si un étudiant fondamentaliste juif se sent écorché par un cours non moins blasphématoire sur l’excommunié Spinoza, et si un étudiant musulman ne supporte pas la poésie de Baudelaire, qu’ils aillent se faire bénir ailleurs. Acquis de haute lutte, le droit de lire Spinoza et Darwin, Sade et Baudelaire, Flaubert et Bukowski, est désormais imprescriptible. »</p>édition : janvier 2018