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En fait, j'aurais tout aussi bien pu ne pas écrire.
Après tout, ce n'est pas une obligation. Depuis la
guerre, je suis resté un homme discret. grâce à Dieu,
je n'ai jamais eu besoin, comme certains de mes anciens
collègues, d'écrire mes Mémoires à fin de justification,
car je n'ai rien à justifier, ni dans un but lucratif, car
je gagne assez bien ma vie comme ça. Je ne regrette
rien : j'ai fait mon travail, voilà tout; quant à mes
histoires de famille, que je raconterai peut-être aussi,
elles ne concernent que moi; et pour le reste, vers la
fin, j'ai sans doute forcé la limite, mais là je n'étais
plus tout à fait moi-même, je vacillais. le monde entier
basculait, je ne fus pas le seul à perdre la tête,
reconnaissez-le. Malgré mes travers, et ils ont été
nombreux, je suis resté de ceux qui pensent que les
seules choses indispensables à la vie humaine sont l'air,
le manger, le boire et l'excrétion, et la recherche de la
vérité. Le reste est facultatif.
Avec cette somme qui s'inscrit aussi bien sous
l'égide d'Eschyle que dans la lignée de Vie et destin
de Vassili Grossman ou des Damnés (le Visconti,
Jonathan Littell nous fait revivre les horreurs de la
Seconde Guerre mondiale du côté des bourreaux,
tout en nous montrant un homme comme rarement
on l'avait fait : l'épopée d'un être emporté dans la
traversée de lui-même et de l'Histoire.
Jonathan Littell est né à New York., en 1967. Les
Bienveillantes est sa première oeuvre littéraire.
905 pages
édition POCHE FOLIO : FEVRIER 2008