Clerc : La France des travailleurs pauvres

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ARTICLE TIRE DU SITE : "lemonde.fr"

Denis Clerc renoncera-t-il un jour à son combat contre l'injustice sociale ? Peu probable. Fondateur de la revue Alternatives économiques, président de l'association Economie & Humanisme, auteur de nombreux ouvrages, il reprend la plume pour pointer l'un des maux qui menace désormais la société française : la pauvreté laborieuse.
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Pendant des années, les sociologues ont regardé le phénomène des working poors (les travailleurs pauvres) se développer au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Mais aujourd'hui, indique Denis Clerc, le mal est chez nous, et il y a urgence. Pour deux raisons. D'abord parce qu'il est particulièrement scandaleux que les salariés ne puissent vivre dignement de leur travail : "Ils donnent à la société une partie de leur temps, de leur énergie, de leur sueur, et celle-ci ne leur rend que chichement de quoi survivre." Ensuite, parce que la collectivité y a tout intérêt. Dans la perspective d'une stagnation de la population active au cours des vingt ou trente années à venir, il s'agit, en effet, de mobiliser l'ensemble des bras disponibles.

L'économiste signe un livre d'expertise et de conviction. Il connaît son sujet et avance les chiffres qui montrent comment les politiques menées jusqu'à aujourd'hui - des emplois aidés aux allégements de charges - ont échoué à contenir la vague des emplois temporaires ou à temps partiel. La France compte "déjà" 1,75 million de travailleurs pauvres. Page 127, le ton s'enflamme. Denis Clerc convie son lecteur "à mettre les mains dans le cambouis" et à rejeter les effets de manche si faciles pour dénoncer la pauvreté. Il veut du concret et n'hésite pas à proposer des solutions.

Quelle voie choisir ? Celle du marché comme y invitent les libéraux ? Pas question. L'auteur ne croit pas à la théorie du trickle down, en clair du "ruissellement", qui permettrait à la richesse de nos économies occidentales de se répandre sur l'ensemble de la population. Il ne se fie pas plus à la solidarité collective qui permettrait de mobiliser patrons, amis ou confrères à la cause des travailleurs pauvres. Chacun se bat pour soi, constate-t-il, expliquant que la "lutte des places" remplace la "lutte des classes".

Selon Denis Clerc, c'est donc à l'Etat d'intervenir, en mettant en place des politiques adaptées : éducation, formation, réforme de l'indemnisation du chômage, revenu de solidarité active (RSA) - qu'il salue tout en en soulignant les effets pervers. Les pistes lancées sont solides, qui permettent de transformer l'Etat providence en "Etat d'investissement social". Un beau défi.
Marie-Béatrice Baudet

225 pages
édition : septembre 2008