Au début du XXe siècle, la Suisse a été l’un des premiers Etats à restreindre de manière unilatérale la liberté de mouvement des «Tsiganes». La fermeture des frontières décidée en 1906, qui s’accompagnait de l’interdiction de transporter des «Tsiganes» par train ou bateau à vapeur, a été maintenue par les autorités helvétiques après le début de la Seconde Guerre mondiale. Dans l’entre-deux-guerres, le refoulement de Roms et de Sintis étrangers ou apatrides a été pratiqué par la plupart des Etats européens. Ainsi, les polices des différents Etats renvoyaient, en toute illégalité, les «étrangers indésirables» vers les pays voisins. Face aux Yéniches de nationalité suisse, la sédentarisation de force fut choisie et appliquée par les autorités.
Avant l’arrivée au pouvoir des nazis, les «élites dirigeantes» helvétiques ont participé diligemment à la collaboration internationale policière visant à institutionnaliser la restriction maximale de mobilité des «Tsiganes». Parmi les instruments mis en place: un fichage systématique. Cette coopération active se perpétua après l’avènement du Troisième Reich, alors que se préparait la déportation vers les camps de la mort des «Tsiganes».
La disparition d’archives cruciales, ajoutée à d’autres difficultés de recherche et définition, a rendu impossible une étude quantitative des refoulements de «Tsiganes». Toutefois, les cas individuels exposés ici illustrent la substance de la politique suivie. Le refus de reconnaître la nationalité suisse à des «Tsiganes» menacés de déportation et de mort est emblématique à ce propos.
Dans sa postface de 40 pages, Thomas Huonker trace des trajectoires individuelles de «Tsiganes» à partir de sources découvertes après la rédaction de l’ouvrage. L’analyse de l’anti-tsiganisme helvétique est ainsi confortée; au même titre que les relations des instances administratives et politiques suisses les plus élevées avec le régime nazi. Le cahier de documents – qui réunit certaines archives jamais rendues publiques jusqu’à maintenant – illustre les deux volets de ce diptyque politique.
Ce passé n’est-il pas en train de se conjuguer au présent? Cet ouvrage est donc un livre d’histoires… actuelles.
216 pages
édition : avril 2009