Dissidences n° 8 : Prochinois et maoïsmes en France

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A la fin des années 1960, le film de Jean-Luc Godard, « La Chinoise » (1967), en témoigne, une part non négligeable de l'intelligentsia française et de l'extrême gauche vibrait pour les exploits des Gardes rouges et voyait en la « Grande révolution culturelle prolétarienne », l'événement qui allait permettre de redonner un second souffle à l'idéal communiste terni par les bureaucrates vieillissants du Kremlin.

Dans ces années, l'influence du maoïsme est très forte et multiforme dans la société française, avec un écho aussi bien dans le champ culturel que politique. On la retrouve chez certains courants critiques du PCF, liés à Louis Althusser, parmi des tendances du PSU et, plus directement et clairement revendiquée, au travers d'organisations issues de la mouvance « marxiste léniniste » tel que Parti communiste marxiste léniniste de France (PCMLF) ou encore chez les maoïstes de l'Union des jeunesses communistes marxistes léninistes (UJCML) ou de la Gauche prolétarienne (GP), organisation largement issue de l'UJCML suite au « Mai étudiant » et aux débats fratricides ayant traversé les maoïsmes français à cette occasion. Bien entendu c'est dans leur diversité qu'il convient d'envisager aujourd'hui ces maoïsmes politiques et partisans, qu'ils soient désignés -souvent par d'autres organisations d'extrême gauche, trotskystes notamment- comme « prochinois » (cas du PCMLF ) ou davantage catalogués comme appartenant à la mouvance « mao-spontanéiste » (GP ou « Vive la Révolution »).

Nous nous proposons, dans ce numéro de Dissidences, de revenir sur ces « années chinoises » en approfondissant l'histoire des diverses organisations maoïstes, leurs publications et journaux, leur rapport aux autres organisations de l'extrême gauche ou au mouvement syndical, leur impact dans les débats politiques nationaux ou leurs pratiques dans certains secteurs spécifiques (par exemple le travail réalisé au côté des immigrés ou en usine avec les « établis »), leur implantation locale ou régionale, etc. Un éclairage possible serait également celui des « dissidences » du maoïsme en France, qu'elles soient inspirées des expériences coréennes ou albanaises.

Mais il conviendra aussi de revenir sur ce que nous pourrions appeler le « maoïsme culturel », phénomène collectif plus diffus, mais pas moins important, et participant pleinement à la compréhension de la période des années 60/70, en quelque sorte un «air du temps» fortement imprégné des senteurs venues de Chine. Il serait ainsi intéressant de revenir sur les liens des intellectuels hexagonaux avec l'idéologie du "Petit livre rouge" et la « Grande révolution culturelle prolétarienne ». Une telle approche pourrait permettre de questionner la permanence d'une revendication du maoïsme chez des intellectuels critiques comme Alain Badiou (voire d’une résurgence discrète de certains mouvements qu'il conviendrait de nommer « néo-maoïsme »). Il s’agit donc de déborder la période pour tracer des ponts et éléments de continuité jusqu'à nos jours. Un axe d'approche fructueux serait, de ce point de vue, d'étudier la présence de ces années chinoises dans la production littéraire contemporaine ou encore cinématographique. Plus largement, il apparaît nécessaire de s'interroger sur la quasi-disparition des formes politiques des maoïsmes français, tout en évaluant l'impact de « l'utopie maoïste » sur le temps long dans nos sociétés. Parution mai 2010, 196 pages