À travers tout le pays, les travailleurs étaient en grève, et ils occupaient les usines. Ils avaient trouvé une nouvelle forme d’action directe : la grève sur le tas. Ils l’avaient choisie eux-mêmes, en dehors et contre la bureaucratie syndicale, parce qu’ils estimaient à juste titre que ce moyen de pression serait plus sensible aux capitalistes que les simples grèves d’antan « dans le calme et la dignité ». Au lendemain du 1er mai, passant aux actes, les ouvriers de l’usine Bréguet, au Havre, avaient occupé les ateliers. Latécoère à Toulouse, Bloch à Courbevoie avaient suivi l’exemple. Le mouvement avait pris très vite le caractère d’une vague de fond. Le pays que Blum s’apprêtait à gouverner n’était déjà plus celui qui, quelques semaines plus tôt, avait porté le Front populaire au pouvoir.</br> Le rapport des forces sociales était renversé. Cette grève générale avait surgi spontanément de la conscience ouvrière et elle avait des mobiles élémentaires : la crise économique et les décrets-lois déflationnistes qui avaient durement frappé une partie des salariés. L’unité syndicale enfin scellée, l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement populaire ouvraient aux masses paupérisées la perspective d’un changement radical.</br>
Comme pour tout grand mouvement social, comprendre les raisons de son échec alimente la mémoire des luttes afin d’en tirer les leçons. En ce sens, ce livre est un véritable classique de l’histoire sociale du XXe siècle.</br>
Auteur de Fascisme et grand capital, de Bourgeois et bras nus 1793–1795 et de Ni dieu ni maître, Daniel Guérin (1904-1988) a été de tous les combats de la gauche révolutionnaire durant un demi-siècle.</br>
édition : octobre 2013