Espagne 1937, Josep Rebull, la voie révolutionnaire

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« La situation historique actuelle de notre pays est une époque de transition qui se terminera par le fascisme ou la révolution prolétarienne. » Lors de sa naissance à l’automne de 1935, les fondateurs du Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM) pressentaient que la répression souvent sanglante qui avait été opposée régulièrement depuis vingt ans aux revendications des ouvriers de l’industrie et de l’agriculture déboucherait sur un affrontement de grande ampleur. Ils ne se trompaient pas et, comme les syndicalistes libertaires de la CNT, ils contribuèrent à l’échec du soulèvement militaire de juillet 1936, à Barcelone et dans d’autres régions d’Espagne.</br>

En Catalogne en particulier, cette victoire sur les putschistes obligea les ouvriers mobilisés non seulement à organiser la lutte militaire contre l’armée rebelle, mais aussi à prendre en charge une bonne partie de la production. Est-ce le début de la révolution des ouvriers et des paysans ? Les organisations ouvrières les plus puissantes, la CNT et le parti socialiste espagnol (PSOE), ne semblent pour leur part n’avoir pour projet que de remettre sur pied l’État républicain en faillite. Pour la direction du POUM, il n’y a pas d’autre solution que de rester aux côtés de la CNT et de chercher à la gagner à la voie révolutionnaire. C’est ce qu’a bien compris un ennemi mortel de la Révolution que viennent renforcer tous les partisans de l’ordre établi : le Parti communiste, bras politique et militaire en Espagne de Staline. Sous sa pression, et par l’intervention de sa propre police politique, le POUM est rapidement mis à l’écart et les organes mis en place par les révolutionnaires démantelés.</br>

Au printemps de 1937, devant la menace d’écrasement définitif du pouvoir populaire embryonnaire qui entraînerait, à court terme, la victoire de l’armée fasciste, Josep Rebull, un militant du POUM de Barcelone, soumet au Parti en vue du prochain congrès de celui-ci une série de critiques et de propositions pour rouvrir devant les ouvriers et les paysans la voie de la Révolution. Les Journées de mai se concluront par la victoire des forces antirévolutionnaires, l’assassinat de dirigeants et de militants du POUM, sa mise hors-la-loi puis un procès reposant sur des faux grossiers. Dans la clandestinité, Josep Rebull organisera la lutte contre ces crimes. Mais à cette époque, et encore en 1939, dans l’exil, il appellera ses camarades à analyser les erreurs commises et à redéfinir une politique conforme aux principes fondateurs du Parti.</br>

Sans doute, les conditions de la transformation sociale qui semble tous les jours plus nécessaire à une partie croissante de la population ont changé. Dans les vieux pays d’Europe, en particulier, les organisations de masse, partis et syndicats, qui prétendaient préparer la transformation révolutionnaire de la société, ont disparu. </br>Mais, au-delà de la référence historique que constitue la révolution espagnole – la plus grande révolution ouvrière que l’Europe occidentale ait connue – les critiques et les propositions de Josep Rebull suscitent encore la réflexion sur des points fondamentaux : qu’est-ce que prendre le pouvoir et l’exercer ? Comment une théorie révolutionnaire, tirée des enseignements d’un passé proche ou lointain, aussi convaincante soit-elle dans sa rationalité, peut-elle gagner à elle dans le feu de l’action de vastes pans de la population engagés dans les mille tâches de l’activité quotidienne et ayant leurs propres préférences ? On ne partagera pas nécessairement les points de vue nettement affirmés d’Agustín Guillamón, mais on lui saura gré d’avoir sorti de l’oubli ces questions que Josep Rebull, à travers ses critiques et ses propositions, a posées si clairement.</br>
édition : juin 2014