En 1957, lors de la parution de Karl Marx, essai de biographie intellectuelle, Maximilien Rubel a présenté un Marx « tel qu'en lui-même », à l'opposé du Marx tel qu'il avait été composé par les différents marxismes d'État ou de parti. Ce Marx inédit, singulier, qui, selon Karl Korsch, apparaît comme un penseur de l'émancipation parmi d'autres, et non plus comme le père fondateur d'une doctrine à vocation mondiale. </br>Un Marx auteur d'une œuvre de pensée avec ses difficultés, ses éventuelles contradictions, mais aussi l'exigence d'une émancipation radicale, de sorte qu'il pouvait devenir, comme M. Rubel l'a montré, le critique le plus virulent de ce qui portait le nom de marxisme.</br> Le lecteur d'aujourd'hui peut être d'autant mieux aux écoutes de l'œuvre de M. Rubel que l'effondrement de l'URSS et des régimes satellites prétendument socialistes a eu pour effet paradoxal de nous rendre un Marx débarrassé des concrétions idéologiques qui avaient dressé un véritable écran entre lui et nous. Cette réédition inaugure le temps d'une explication avec Marx. </br>À la lecture de M. Rubel naissent des questions ouvertes: peut-on voir dans Marx l'auteur d'une sociologie? N'est-il pas plutôt l'initiateur d'une critique sociale qui va jusqu'aux racines, ou bien d'une théorie critique de la société? Comment convient-il de penser ici et maintenant l'articulation entre sociologie et éthique?</p>
Comme le montre dans sa préface Louis Janover, le collaborateur de M. Rubel, cette biographie intellectuelle est la source étonnamment féconde de toute une œuvre qui s'est déployée dans des directions multiples, pour laisser apparaître les différentes facettes de Marx: les Pages choisies pour une éthique socialiste qui datent de 1948 avec l'introduction de M. Rubel à « une éthique marxienne », Marx critique du marxisme, les Études de marxologie et les quatre tomes de l'édition incomparable de Marx dans la Pléiade, travail où se mêlent érudition et désir d'émancipation, adressé au seul public qui importe: « L'humanité pensante qui est opprimée et l'humanité souffrante qui pense. »</p>édition : octobre 2016